Les Yeux bleus cheveux noirs est une adaptation théatrale de La Maladie de la mort. L'histoire est donc parsemée d'indications scéniques mais qui ne sont pas présentées comme telles, de sorte que si je n'avais cherché la couverture du livre pour vous la présenter je ne l'aurais pas deviné. En effet, il s'agit d'un roman tout à fait classique (de présentation en tout cas) dont l'histoire est simplement entrecoupée de pargraphe où "La salle serait dans le noir, dirait l'acteur...."
Pour vous en donner une idée assez précise, voici une lettre de Marguerite Duras elle-même à la presse :
C’est l’histoire d’un amour, le plus grand et plus terrifiant qu’il m’a été donné d’écrire. Je le sais. On le sait pour soi.
Il s’agit d’un amour qui n’est pas nommé dans les romans et qui n’est pas nommé non plus par ceux qui le vivent. D’un sentiment qui en quelque sorte n’aurait pas encore son vocabulaire, ses mœurs, ses rites. Il s’agit d’un amour perdu. Perdu comme perdition.
Lisez le livre. Dans tous les cas même dans celui d’une détestation de principe, lisez-le. Nous n’avons plus rien à perdre ni moi de vous, ni vous de moi. Lisez tout. Lisez toutes les distances que je vous indique, celles des couloirs scéniques qui entourent l’histoire et la calment et vous en libèrent le temps de les parcourir. Continuez à lire et tout à coup l’histoire elle-même vous l’aurez traversée, ses rires, son agonie, ses déserts.
Sincèrement vôtre
Duras
Voici un livre plein de silence. Si plein qu'après l'avoir refermé, les mots sonnent bizarrement dans la bouche, résonnent bizarrement dans l'esprit. Un livre écrit comme une lecture. Comme si quelqu'un le lisait pour nous, qu'on l'entendait seulement au lieu de le lire. Et cette personne lit ce livre d'une voix toujours égale, sans émotion d'aucune sorte. Et c'est justement cette absence d'émotion qui le rend si émouvant, si beau.
On ne sait rien des personnages, mais on n'a rien besoin de savoir. Ils sont, et c'est tout. Ils se contentent d'être, et cela suffit. UN homme et une femme, tous deux désespérés du départ d'un même jeune étranger aux yeux bleus cheveux noirs. Ils se retrouvent toutes les nuits dans une chambre fermée presque vide, éclairée à la seule lumière crue d'un lustre. Ils dorment, ils pleurent, ils se regardent et se taisent. Rien de plus. Rien de moins. Parfois il se parlent, mais l'homme ne parle jamais réellement de lui, il ne parle jamais vraiment pour dire quelque chose.
La lecture de ce livre m'a provoqué des émotions très étranges, indéfinissables... Un début et une fin très nets, comme un fil qu'on tranche, mais ni passé, ni avenir. Pourtant, l'histoire est fascinante, elle nous hypnotise presque. Je n'ai pas pu le lâcher. Je voulais tellement savoir, aller jusqu'au bout, dès le début. Et une fois fini, il a fallu que j'écrive, tout de suite. Même s'il était minuit passé.